CAA Paris n° 16PA02079 M. B du 6 juin 2017 (reclassement stagiaire)

N° 16PA02079
10ème chambre
M. AUVRAY, président
M. Alain LEGEAI, rapporteur
M. OUARDES, rapporteur public
BOURNAZEL, avocat
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du maire de Paris en date du 13 novembre 2014 prononçant son licenciement pour inaptitude physique à compter du 1er décembre 2014, d'enjoindre à la ville de Paris de le réintégrer, de condamner la ville de Paris à lui verser la somme de 29 000 euros en réparation des préjudices, matériel et moral, qu'il a subis, et de mettre à la charge de la ville de Paris une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1501495/2-3 du 3 mai 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 28 juin 2016 et le 30 mars 2017 M. A..., représenté par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1501495/2-3 du 3 mai 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de Paris en date du 13 novembre 2014 prononçant son licenciement pour inaptitude physique à compter du 1er décembre 2014 ;
3°) d'enjoindre à la ville de Paris de le réintégrer à plein traitement selon son grade à compter du 13 novembre 2014 ;
4°) de condamner la ville de Paris à lui verser la somme de 29 000 euros en réparation des préjudices matériel et moral subis ;
5°) de mettre à la charge de la ville de Paris le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a fait une interprétation erronée des faits de la cause en ce qu'il a estimé qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que le congé de longue maladie, puis de longue durée, dont il devait bénéficier aurait fait suite à un accident de service ou une maladie contractée ou aggravée en service, alors même que la pathologie constatée est née pendant le service ;
- il a été maintenu durablement dans une situation de précarité par la ville de Paris, qui lui a laissé espérer, à tort, un recrutement sur un emploi d'adjoint administratif ;
- la décision de licenciement est intervenue sans qu'au préalable l'administration eût entrepris des démarches sérieuses en vue de son reclassement dans un autre corps.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2017, la ville de Paris conclut au rejet de la requête et demande à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge du requérant au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La ville de Paris soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 23 septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 ;
- le décret n° 94-415 du 24 mai 1994 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Legeai,
- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public.
1. Considérant que M. A... a été recruté par la ville de Paris à effet du 19 janvier 2009 en qualité d'éboueur stagiaire et affecté à la direction de la propreté et de l'eau ; qu'il a été placé en congé de longue maladie du 3 mai 2009 au 2 mai 2010 ; qu'après avoir été réintégré à temps partiel thérapeutique du 3 mai 2010 au 19 septembre 2010, il a été placé en congé de longue durée du 20 septembre 2010 au 18 septembre 2014, date d'expiration de ses droits ; que, dans sa séance du 2 décembre 2013, le comité médical a estimé que M. A... était définitivement inapte aux fonctions d'éboueur, ne pouvant plus porter de charges, mais qu'il était apte à un reclassement sur un poste administratif ; que, par l'arrêté attaqué en date du 13 novembre 2014, le maire de Paris a prononcé le licenciement pour inaptitude physique de M. A... à effet du 1er décembre 2014 ; que par jugement n° 1501495/2-3 du 3 mai 2016 le Tribunal administratif de Paris a rejeté les demandes de M. A... à l'encontre de cette décision ; que, par la présente requête M. A... relève régulièrement appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que M. A... soutient que le Tribunal a fait une interprétation erronée des faits de la cause, entachant le jugement d'irrégularité, en ce qu'il a estimé qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que le congé de longue maladie puis de longue durée dont il devait bénéficier auraient fait suite à un incident de service ou une maladie contractée ou aggravée en service, alors même que la pathologie constatée est née pendant le service ; que, toutefois, ce moyen, qui ressortit au bien-fondé de la cause, ne peut être utilement invoqué à l'encontre de la régularité du jugement ; que, par suite, ledit moyen, en tant qu'il porte sur la régularité du jugement, doit être écarté ;
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les dispositions de la présente loi s'appliquent aux personnes qui, régies par le titre Ier du statut général des fonctionnaires de l'Etat et des collectivités territoriales, ont été nommées dans un emploi permanent et titularisées dans un grade de la hiérarchie administrative des communes, des départements, des régions ou des établissements publics en relevant (...) " ; qu'aux termes de l'article 57 de la même loi : " (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement (...) " ; qu'aux termes de l'article 81 de cette loi : " Les fonctionnaires territoriaux reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions peuvent être reclassés dans les emplois d'un autre cadre d'emploi ou corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes (...) " ; qu'aux termes de l'article 10 du décret susvisé du 4 novembre 1992 rendu applicable aux personnels des administrations parisiennes par le décret susvisé du 24 mai 1994 : " Le fonctionnaire territorial stagiaire qui est inapte physiquement à reprendre ses fonctions à l'expiration des congés de maladie prévus au premier alinéa du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 précitée ou aux 3°, 4° et 9° du même article, ou lorsqu'il est stagiaire à temps non complet, à l'issue du congé prévu à l'article 36 du décret du 20 mars 1991 susvisé, est placé en congé sans traitement pour une durée maximale d'un an renouvelable une fois ... La mise en congé et son renouvellement sont prononcés après avis du comité médical prévu par le décret du 30 juillet 1987 susvisé " ; et qu'aux termes de l'article 11 de ce décret : " A l'expiration des droits à congé avec traitement ou d'une période de congé sans traitement accordés pour raisons de santé, le fonctionnaire territorial stagiaire reconnu, après avis du comité médical compétent, dans l'impossibilité définitive et absolue de reprendre ses fonctions, est licencié ( ...) " ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que le requérant, après avoir été placé en congé de longue maladie du 3 mai 2009 au 2 mai 2010, a été placé en congé de longue durée à plein traitement du 20 septembre 2010 au 18 septembre 2012, puis en congé de longue durée à demi-traitement jusqu'au 18 septembre 2014, et que son licenciement est intervenu postérieurement à l'expiration de ses droits à congé avec traitement et après que le comité médical, par avis du 2 décembre 2013, l'eut déclaré définitivement inapte à l'emploi d'éboueur ; que, par suite, c'est par une exacte application des dispositions combinées précitées que M. A..., dès lors qu'il était atteint de l'une des affections justifiant l'octroi d'un congé de longue durée, a été placé dans la situation statutaire prévue dans ce cas et a été licencié à l'expiration de ses droits à congé, après constatation par le comité médical de l'impossibilité définitive et absolue dans laquelle il se trouvait de reprendre ses fonctions d'éboueur ;
5. Considérant, en second lieu, que M. A... soutient que la ville de Paris n'a pas effectué de démarches sérieuses en vue de le reclasser dans un corps d'agent administratif ; que, toutefois, d'une part, si, en vertu d'un principe général du droit dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés que les règles statutaires applicables aux fonctionnaires, en cas d'inaptitude physique définitive, médicalement constatée, à occuper un emploi, il appartient à l'employeur de reclasser l'intéressé dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer son licenciement dans les conditions qui lui sont applicables, ni ce principe général, ni les dispositions citées ci-dessus de la loi du 26 janvier 1984 et du décret du 4 novembre 1992, ne confèrent aux fonctionnaires stagiaires, qui se trouvent dans une situation probatoire et provisoire, un droit à être reclassés dans l'attente d'une titularisation en cas d'inaptitude physique définitive ne résultant pas d'un accident de service ou d'une maladie contractée ou aggravée en service ; que, d'autre part, il ne ressort des pièces du dossier, et notamment des attestations médicales produites dont la plus récente date du 2 novembre 2010 tandis que M. A... est entré au service de la ville de Paris le 19 janvier 2009, ni que l'intéressé aurait été indemne de la pathologie qui s'est déclarée moins de quatre mois après son recrutement en tant que stagiaire de la ville de Paris, pathologie qui lui interdit le port de charges, ni que les congés maladie qui lui ont été accordés résulteraient d'un accident de service ou d'une maladie contractée ou aggravée en service ; que, par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le moyen de M. A... tiré du défaut de reclassement dans un corps administratif devait être écarté comme étant inopérant et qu'est à cet égard sans influence sur la légalité de la décision contestée la circonstance selon laquelle la ville de Paris a étudié la possibilité de son reclassement dans un emploi d'agent administratif avant d'écarter cette éventualité faute d'organisation de concours de recrutement d'adjoints administratifs en 2014 ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le licenciement du requérant n'étant entaché d'aucune illégalité, la ville de Paris n'a commis, à ce titre, aucune faute de nature à engager sa responsabilité ; qu'en outre, l'intéressé n'établit pas que la ville de Paris se serait livrée à des manoeuvres déloyales à son égard avant de le licencier ; qu'au surplus, l'intimée soutient, sans être contredite que, tenant compte de la qualité de travailleur handicapé reconnue à M. A... à effet du 8 septembre 2009, elle a proposé dix fiches de poste après que la candidature de l'intéressé à l'emploi d'adjoint administratif eut été retenue le 13 mars 2015 au titre de la voie de recrutement dérogatoire prévue à l'article 38 de la loi du 26 janvier 1984 et que l'intéressé a décliné l'ensemble de ces propositions par courriel du 28 avril 2015 ; que, dès lors, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que les conclusions de M. A... tendant à la condamnation de la ville de Paris à réparer le préjudice qu'il estime avoir subi du fait, d'une part, de la situation de précarité dans laquelle l'administration l'aurait maintenu durablement, d'autre part, de son licenciement, doivent être rejetées ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant à l'annulation du jugement et de l'arrêté attaqués doivent, dès lors, être rejetées ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions aux fins d'indemnisation et d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A... une somme à verser à la ville de Paris sur ce dernier fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la ville de Paris présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et à la ville de Paris.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2017 à laquelle siégeaient :
M. Auvray, président de la formation de jugement,
M. Pagès, premier conseiller,
M. Legeai, premier conseiller,
Lu en audience publique le 6 juin 2017.
Le rapporteur
A. LEGEAI
Le président,
B. AUVRAY
Le greffier,
C. RENE-MINE
La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Les stagiaires bénéficient des dispositions des fonctionnaires, mais dans la limite de leur compatibilité avec leur situation particulière. À ce titre, ils bénéficient des mêmes congés de maladie, mais leur congé sans traitement pour raisons de santé se limite à un an renouvelable une fois et se solde par un licenciement en cas d’inaptitude définitive (articles 2, 10 et 11 du décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992).
Dans une affaire, la Ville de Paris recrute un éboueur stagiaire en janvier 2009 qui bénéficie d’un congé de longue maladie puis de longue durée jusqu’en septembre 2014 à l’expiration de ses droits. Le comité médical l’estimant définitivement inapte, le maire de Paris le licencie pour inaptitude physique le 1er décembre 2014.
Des droits limités
L’agent estime qu’il devait bénéficier d’un reclassement dans un poste administratif. Mais le principe général du droit dont s’inspirent à la fois les règles de la fonction publique et celles du code du travail, qui impose à l’employeur de tenter un reclassement avant de licencier un salarié, ne s’applique pas aux stagiaires, dont la situation est probatoire et provisoire, si leur inaptitude ne résulte pas d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle. La Ville de Paris n’a donc commis aucune faute en n’essayant pas de le reclasser l’agent. Ce faisant, la cour applique une décision de principe du Conseil d’État (CE n° 381429 ministère de l’Intérieur du 17 février 2016).
Il en ira en revanche différemment du stagiaire qui, à la suite d’un accident de service ou d’une maladie contractée ou aggravée en service, a bénéficié d’une, de 3 ou de 8 années de congés rémunérés (la durée du congé de longue durée étant accrue de 3 ans) et reste dans l’incapacité permanente de travailler. Il doit bénéficier de l’adaptation de son poste ou, si elle n’est pas possible, être mis en mesure de demander son reclassement. S’il ne le fait pas ou s’il est impossible, il pourra d’office être mis à la retraite, l’employeur ayant l’obligation de maintenir son plein traitement jusqu’à sa reprise ou sa retraite.
Attention : cette garantie, étendue aux stagiaires, ne prévoit donc pas le maintien d’un plein traitement au-delà des limites propres aux congés de maladie ordinaire, de longue maladie ou de longue durée (CE n° 372419 Mme B du 26 février 2016).
CAA Paris n° 16PA02079 M. B du 6 juin 2017.
Pierre-Yves Blanchard le 13 mars 2018 - n°1574 de La Lettre de l'Employeur Territorial
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