CAA Marseille n° 08MA03400 Mme A du 22 octobre 2010 (refus réintégration)

N° 08MA03400
2ème chambre - formation à 3
M. GONZALES, président
M. Guy FEDOU, rapporteur
Mme FEDI, rapporteur public
BARGETON-DYENS, avocat
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 20 août 2008, présentée pour Mme Jacqueline A, demeurant ..., par Me Bargeton-Dyens, avocat ; Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0702222 du 27 juin 2008 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant :
- à l'annulation de la décision du 4 mai 2007 par laquelle la commune d'Alès a refusé de la réintégrer à la suite d'une disponibilité ;
- à ce que soit ordonnée sa réintégration immédiate dès le prononcé du jugement,
- à ce que la commune d'Alès soit condamnée à lui verser la rémunération qu'elle aurait perçue depuis le 1er août 1989, soit la somme de 283.521,17 euros et une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de la perte de ses droits à l'avancement et à la retraite à hauteur de 140 000 euros, le tout à la date du 7 mars 2007,
- subsidiairement, dans l'hypothèse où la commune d'Alès démontrerait que moins de trois postes d'adjoint administratif ont été créés ou déclarés vacants depuis le 1er août 1989, à ce qu'il soit enjoint à la commune de calculer et de verser l'allocation chômage due à compter de cette date,
- à ce que la commune d'Alès soit condamnée à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) d'ordonner sa réintégration immédiate dès le prononcé de l'arrêt à intervenir ;
3°) de condamner la commune d'Alès à lui verser la rémunération qu'elle aurait perçue depuis le 1er août 1989, soit la somme de 294 171,41 euros et une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de la perte de ses droits à l'avancement et à la retraite à hauteur de 140 000 euros, le tout à la date du 7 mars 2007, à parfaire à la date de l'arrêt à intervenir ;
4°) subsidiairement, dans l'hypothèse où la commune d'Alès démontrerait que moins de trois postes d'adjoint administratif ont été créés ou déclarés vacants depuis le 1er août 1989, à ce qu'il soit enjoint à la commune de calculer et de verser l'allocation chômage due depuis le 1er août 1989 ;
5°) de mettre à la charge de la commune d'Alès la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 septembre 2010 :
- le rapport de M. Fédou, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Fedi, rapporteur public ;
Considérant que Mme A interjette appel du jugement en date du 27 juin 2008 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 mai 2007 par laquelle la commune d'Alès a refusé de la réintégrer à la suite d'une disponibilité, à ce que soit ordonnée sa réintégration immédiate dès le prononcé du jugement, à ce que la commune d'Alès soit condamnée à lui verser la rémunération qu'elle aurait perçue depuis le 1er août 1989, soit la somme de 283.521,17 euros et une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de la perte de ses droits à l'avancement et à la retraite à hauteur de 140.000 euros, le tout à la date du 7 mars 2007, subsidiairement, dans l'hypothèse où la commune d'Alès démontrerait que moins de trois postes d'adjoint administratif ont été créés ou déclarés vacants depuis le 1er août 1989, à ce qu'il soit enjoint à la commune de calculer et de verser l'allocation chômage due à compter de cette date, et à ce que la commune d'Alès soit condamnée à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'il ressort des termes du jugement attaqué qu'il a rejeté les conclusions de la requérante tendant à la réparation du préjudice lié à sa perte de revenus en relevant que la commune d'Alès soutenait, sans être contredite, que l'intéressée travaillait, durant toutes ses années de disponibilité, dans le garage exploité par son époux ; qu'il est constant, comme le fait valoir Mme A, que cette allégation n'a été présentée par le défendeur que par un mémoire enregistré au greffe du tribunal le 12 juin 2008 qui n'a pas été communiqué à la requérante ; que celle-ci est dès lors fondée à soutenir que le jugement attaqué a été entaché sur ce point d'un non-respect de la procédure contradictoire et qu'il doit, dans cette mesure, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer l'affaire sur ce point et de statuer sur les conclusions de première instance de Mme A de même que sur ses conclusions d'appel portant sur les autres questions restant en litige ;
Considérant que Mme A soutient qu'en rejetant sa demande de réintégration, la commune d'Alès a commis une erreur de droit dès lors qu'une telle réintégration de l'agent mis en disponibilité sur sa demande est de droit à l'une des trois premières vacances si, en application des dispositions de l'article 72 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, la durée de la disponibilité n'a pas excédé trois ans ; que la charge de la preuve de l'absence de poste vacant appartient à l'administration et qu'étant dans l'impossibilité de connaître son droit, elle ne peut être regardée comme y ayant renoncé ;
Considérant que le tribunal administratif de Nîmes a considéré que la commune d'Alès avait commis une illégalité fautive en refusant de réintégrer Mme A, qui bénéficiait d'un droit à réintégration au bout de trois vacances d'emploi de commis puis d'adjoint administratif, alors qu'au moins trois de ces emplois avaient été créés ou déclarés vacants après ses premières demandes de réintégration ; qu'il a cependant rejeté les prétentions indemnitaires de la requérante, soit en opposant la prescription quadriennale pour les années 1989 à 2002, soit en considérant que les pertes de revenus, de droits à l'avancement et de droits à la retraite à compter du 1er janvier 2003 n'étaient pas établis ou ne revêtaient pas un caractère certain ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment d'un tableau récapitulatif produit en première instance par Mme A, lequel n'est pas discuté en défense, que, dans sa séance du 7 février 2002, le conseil municipal de la ville d'Alès a décidé de créer trois postes d'adjoint administratif ; que par suite, l'un de ces postes devait revenir de plein droit, en application des dispositions sus rappelées, à Mme A ; qu'ainsi, en l'espèce, le fait générateur du dommage à partir duquel est opposable la prescription quadriennale correspond à la date précitée du 7 février 2002 ; que, toutefois, Mme A n'ayant sollicité la réparation de son préjudice que le 9 mars 2007, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que l'exception de prescription quadriennale faisait obstacle à ce que les conclusions de sa requête puissent être accueillies pour l'année 2002 ;
Considérant que la créance de Mme A est établie à compter du 1er janvier 2003 jusqu'à la fin de l'année 2006 grâce à la production par la requérante des déclarations des revenus du couple, qui ne font apparaître de sa part aucune activité soumise à impôt sur le revenu ; qu'une telle démonstration n'est à l'inverse pas rapportée pour les années 2007 à 2009, faute de la production de tels justificatifs ; qu'il sera dès lors fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme A du fait de la perte de son traitement d'adjoint administratif sur une période de quarante-huit mois en lui allouant de ce chef la somme de 60 000 euros ; qu'il y a lieu par ailleurs d'évaluer sa perte des droits à la retraite, alors que Mme A a été admise à faire valoir ses droits à la retraite le 2 février 2009, compte tenu d'une espérance de vie de quatre-vingts ans et de la circonstance qu'elle aurait travaillé quatre années supplémentaires de 2003 à 2006, à la somme de 15 000 euros ; qu'il y a lieu en conséquence de condamner la commune d'Alès à verser à Mme A la somme totale de 75 000 euros et de rejeter le surplus des conclusions indemnitaires de la requérante ;
Sur les conclusions en injonction :
Considérant qu'il est constant que Mme A a été radiée des cadres pour admission de ses droits à la retraite à la date du 2 février 2009 ; que, par suite, ses conclusions tendant à ce que la Cour ordonne à la commune d'Alès de la réintégrer dès le prononcé de l'arrêt à intervenir ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant d'une part que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune d'Alès demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant d'autre part qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune d'Alès à verser à Mme A une somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 27 juin 2008 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires de Mme A afférentes à sa perte de revenus.
Article 2 : La commune d'Alès est condamnée à verser à Mme A la somme totale de 75 000 euros (soixante-quinze mille euros).
Article 3 : La commune d'Alès versera à Mme A une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la commune d'Alès tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Jacqueline A, à la commune d'Alès et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Dans une affaire, une fonctionnaire conteste son refus de réintégration après disponibilité et réclame plus de 420 000 € de dommages-intérêts de préjudice de carrière. Le dossier montre qu'après le terme de disponibilité, le conseil municipal crée, le 7 février 2002, 3 postes d'adjoint administratif. Pour la cour, l'un d’eux devait revenir de plein droit à la fonctionnaire.
En ne la réintégrant pas, l'employeur engage sa responsabilité. Mais l'agent ne demande réparation de son préjudice que le 9 mars 2007. Or, les créances qui n'ont pas été payées dans un délai de 4 ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis sont prescrites au profit de l'employeur, soit 4 ans à partir du 1er janvier 2003 pour l'année 2002 (article 1 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968). Par le jeu de cette règle, le préjudice de l'agent n'est indemnisable qu'à partir de l'année 2003. De janvier 2003 à la fin 2006, la femme fournit les déclarations des revenus du couple, qui ne font apparaître aucune activité soumise à l'impôt sur le revenu. En revanche, elle n'apporte aucun élément pour les années 2007 à 2009, l’intéressée ayant fait valoir ses droits à retraite le 2 février 2009. Le juge indemnise donc la perte du traitement d'adjoint administratif sur une période de 48 mois, soit 60 000 €. Au plan de la retraite, compte tenu d'une espérance de vie de 80 ans et d'un temps de travail supplémentaire de 4 ans, la cour ajoute 15 000 €.
Attention : l'agent ayant été radié des cadres, la cour confirme que la commune ne peut être tenue de la réintégrer au prononcé de la décision. En effet, si l'annulation d'une mesure impose le rétablissement des droits à la carrière, la réintégration physique d’un fonctionnaire ne peut être que postérieure au jugement, une mesure impossible à réaliser dans l'affaire, qui se réduit donc à une question d'indemnisation.
CAA Marseille n° 08MA03400 Mme A du 22 octobre 2010.
Pierre-Yves Blanchard le 13 novembre 2012 - n°1327 de La Lettre de l'Employeur Territorial
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