CAA Lyon n° 20LY00760 du 18/05/2021 (effets indésirables imputables à m'employeur)

N° 20LY00760
Président
M. ARBARETAZ
Rapporteur
Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public
M. CHASSAGNE
Avocat(s)
LABORIE
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme G... B... en son nom propre et en sa qualité de représentante légale de sa fille Claire B..., ainsi que M. H... B..., Mme D... B... et M. F... B..., ses enfants, ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'État à leur verser la somme de 69 500 euros en réparation du préjudice moral consécutif au décès de M. A... B..., leur époux et père, survenu à la suite d'une vaccination préconisée pour l'exercice de ses fonctions d'huissier du Trésor.
Par jugement n° 1723106 lu le 18 décembre 2019 le tribunal a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par requête enregistrée le 20 février 2020, Mme G... B... en son nom propre et en sa qualité de représentante légale de Claire B..., ainsi que M. H... B..., Mme D... B... et M. F... B..., représentés par Me E..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et de condamner l'État à leur allouer la somme de 69 500 euros ;
2°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard des nombreuses pièces fournies de nature à établir le lien de causalité entre la vaccination litigieuse et l'apparition de la maladie qui a entraîné le décès de M. B... ;
- leur époux et père a été incité en 1994 à se faire vacciner contre l'hépatite B ; à la suite de cette vaccination, il a contracté une vascularite Churg et Strauss dont il est reconnu par les médecins qu'elle est la conséquence directe du vaccin ;
- il a été placé en congé de longue maladie à compter du 1er janvier 1998 puis reclassé dans des fonctions sédentaires et il décèdera des suites de sa vascularite en janvier 2016 ;
- si la vaccination intervenue n'a pas été réalisée au titre des vaccinations obligatoires elle est toutefois intervenue dans le cadre de ses fonctions et après sollicitation de son employeur et doit être considérée comme en lien direct avec son activité professionnelle ;
- M. B..., en tant qu'huissier du trésor, a été l'objet d'une incitation forte à la vaccination, qui doit être regardée comme une obligation et son indemnisation incombe à la personne publique employeur ;
- M. B... a présenté de forts symptômes, cinq mois après la dernière injection du vaccin, le conduisant à consulter son médecin de famille qui a conclu à l'apparition d'une vascularite Churg et Strauss ; un lien très probable avec l'injection contre l'hépatite B a été retenu par son médecin ; M. B... n'avait jamais fait l'objet d'antécédents à cette pathologie avant cette vaccination et se trouvait en bonne santé ;
- le préjudice de souffrances endurées de Claire B... doit être indemnisé à hauteur de 25 000 euros, celui de Guillaume, Florie et Quentin B... doit être indemnisé à 6 500 euros chacun et celui de Mme G... B... à 25 000 euros.
Par mémoires enregistrés les 16 octobre 2020 et 26 février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête en se référant aux observations produites devant le tribunal administratif et en soutenant que la vaccination de M. B... en 1994 et 1995 ne peut avoir été effectuée dans le cadre du service.
Par lettre du 12 février 2021, les parties ont été informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'opposer l'irrecevabilité de la demande de première instance de MM. Guillaume B..., Quentin B... et Mme D... B... que leur mère, Fabienne B..., n'a pas qualité pour représenter.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
Sur la régularité du jugement :
1. Il résulte de l'instruction que le tribunal administratif de Lyon, qui n'était pas tenu de répondre à tout l'argumentaire développé par les requérants alors qu'il a indiqué les dates des injections administrées à M. B... et l'apparition des premiers symptômes de vascularite pour en déduire l'insuffisance des éléments médicaux susceptible de caractériser un lien de causalité entre les symptômes et les injections, a suffisamment motivé sa décision. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté.
Sur le fond du litige :
2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ".
3. En application de ces dispositions, il appartient au juge de rechercher si la vaccination administrée à un agent public qui soutient - ou dont les ayants-droit soutiennent - qu'elle est à l'origine d'une pathologie, a été pratiquée à l'occasion du service, alors même qu'elle ne l'a pas été en exécution d'une obligation légale. Doivent être regardés comme contractés à l'occasion du service, les effets indésirables d'une vaccination à l'initiative de la hiérarchie, sur son incitation formelle et par la mise en oeuvre de moyens matériels ou financiers du service.
4. Aucune disposition légale ne conditionne l'exercice des fonctions d'huissier du trésor à une vaccination contre l'hépatite B, qui n'a dès lors et ainsi qu'en conviennent les parties, pas été imposée par le service. Par ailleurs, et d'une part, la note n° 24098 par laquelle le directeur de la comptabilité publique aurait vivement conseillé aux huissiers du Trésor de se faire vacciner contre l'hépatite B a été diffusée, compte tenu des indices matériels présentés en défense, postérieurement aux vaccinations de M. B.... D'autre part, il résulte de l'instruction que ces vaccinations ont été réalisées par un praticien libéral exerçant à proximité du domicile de l'agent et il n'est pas soutenu que leur coût aurait été pris en charge par le ministère des finances. Il suit de là que la vaccination n'a pas été administrée sur incitation du service et que celui-ci n'y a affecté aucun moyen matériels ou financiers.
5. Les conséquences dommageables dont il est demandé réparation ne peuvent, dès lors, être regardées comme se rattachant à une maladie contractée à l'occasion du service, au sens des dispositions précitées ni, partant, engager la responsabilité de l'État.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête, que Mme G... B..., Mme C... B..., M. H... B..., Mme D... B... et M. F... B... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande. Leurs conclusions tendant à la condamnation de l'État doivent être rejetées et, par voie de conséquences, celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme G... B..., Mme C... B..., M. H... B..., Mme D... B... et M. F... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... B..., Mme C... B..., M. H... B..., Mme D... B... et M. F... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 29 avril 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Burnichon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 mai 2021.
Le juge vérifie si la vaccination déclarée à l’origine d’une pathologie, a été pratiquée à l’occasion du service alors qu’elle ne résulte pas d’une obligation légale.
Doivent être regardés comme contractés à l’occasion du service, les effets indésirables d’une vaccination réalisée à l’initiative de l’employeur, sur son incitation formelle et par la mise en œuvre de ses moyens matériels ou financiers.
Or, aucun texte ne conditionne les fonctions d’huissier à une vaccination contre l’hépatite B, que n’a pas imposée l’employeur. Elle est réalisée par un médecin à proximité du domicile de l’agent et son coût n’a pas été pris en charge par le ministère des Finances. Elle n’a donc pas été administrée sur incitation du service, qui n’y a affecté aucun moyen matériel ou financier.
La maladie et le décès ne sont pas rattachables à une maladie contractée à l’occasion du service et ne sauraient engager la responsabilité de l’État.
CAA Lyon n° 20LY00760 du 18/05/2021.
Pierre-Yves Blanchard le 12 juillet 2022 - n°1775 de La Lettre de l'Employeur Territorial
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