CAA Versailles n° 19VE01295 M. B du 28 avril 2020 (droit à réintégration)

N° 19VE01295
Président
M. CAMENEN
Rapporteur
Mme Jeanne SAUVAGEOT
Rapporteur public
M. CABON
Avocat(s)
SCP ARVIS AVOCATS
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 5 mars 2014 par lequel le maire de la commune de Sèvres a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle, d'annuler la décision du 3 avril 2014 par laquelle le maire de la commune de Sèvres a refusé de lui verser une indemnité compensatrice au titre des congés annuels non pris pour l'année 2013, de condamner la commune de Sèvres à lui verser la somme de 70 000 euros assortie des intérêts de droit à compter du 5 mars 2014 et de la capitalisation de ces intérêts et de mettre à la charge de la commune de Sèvres une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1404504 du 13 juillet 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a :
- annulé la décision du maire de la commune de Sèvres du 5 mars 2014 licenciant M. B...,
- condamné la commune de Sèvres à verser à M. B... une somme de 5 334 euros en réparation des préjudices subis,
- mis à la charge de la commune de Sèvres le versement à M. B... de la somme de 1 000 euros au titre des frais liés à l'instance,
- et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Par un arrêt n° 16VE02916 du 28 mars 2019, la Cour administrative d'appel de Versailles, statuant sur l'appel partiel de M. B... a :
- annulé la décision du 3 avril 2014 du directeur général des services de la commune de Sèvres rejetant la demande de M. B... d'indemnité pour congés annuels non pris,
- porté la somme de 5 334 euros que la commune de Sèvres a été condamnée à verser à M. B... par l'article 2 du jugement n° 1404504 Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 13 juillet 2016 à la somme de 6 500 euros, tous intérêts et intérêts des intérêts compris au jour de la présente décision,
- réformé le jugement n°1404504 Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 13 juillet 2016 en ce qu'il a de contraire à l'arrêt,
- mis à la charge de la commune de Sèvres le versement à M. B... de la somme de 2 000 euros au titre des frais liés à l'instance,
- rejeté le surplus des conclusions de la requête M. B...,
- rejeté les conclusions d'appel incident de la commune de Sèvres et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une lettre, enregistrée le 28 novembre 2018, M. B... a demandé l'exécution totale du jugement n° 1404504 du 13 juillet 2016 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Par une ordonnance du 15 avril 2019, le président de la Cour administrative d'appel de Versailles a ouvert, sous le n° 1901295, une procédure juridictionnelle afin de prescrire les mesures propres à assurer l'exécution du jugement n° 1404504 du 13 juillet 2016 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Par deux mémoires, enregistrés les 2 mai 2019 et 5 décembre 2019, M. B..., représenté par Me Arvis, avocat, demande à la Cour :
1° d'enjoindre à la commune de Sèvres de le réintégrer dans son grade d'adjoint administratif de 2ème classe titulaire à effet du 10 mars 2014, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
2° d'enjoindre à la commune de Sèvres de procéder à la reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux et à pension à effet du 10 mars 2014 ;
3° d'enjoindre à la commune de Sèvres de le réintégrer dans un emploi d'adjoint administratif de 2ème classe titulaire, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4° de mettre à la charge de la commune de Sèvres une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que le jugement annulant la décision de licenciement doit nécessairement conduire à sa réintégration dans son cadre d'emploi et dans un emploi relevant de son grade ainsi qu'à la reconstitution de sa carrière ; la réintégration n'est pas assujettie à une demande de l'agent ; il n'a ni explicitement ni implicitement renoncé à sa réintégration.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée par l'ordonnance n° 2020-405 du 8 avril 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de M. Cabon, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., pour la commune de Sèvres.
Considérant ce qui suit :
Sur les conclusions à fin d'exécution :
1. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. / Toutefois, en cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. "
2. M. B..., adjoint administratif titulaire de la commune de Sèvres, exerçant les fonctions d'agent de surveillance de la voie publique (ASVP), a été licencié pour insuffisance professionnelle par un arrêté du 5 mars 2014. Par un jugement n° 1404504 du 13 juillet 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté. Par un arrêt n° 16VE02916 du 28 mars 2019, la Cour de céans a rejeté les conclusions d'appel incident formulées par la commune à l'encontre du jugement. M. B... demande à la Cour d'enjoindre à la commune de Sèvres de prendre les mesures d'exécution qui découle de l'annulation de son licenciement.
3. L'annulation d'une décision ayant irrégulièrement évincé un fonctionnaire impose à l'autorité compétente de procéder à la réintégration juridique de l'intéressé à la date de cette décision, de prendre rétroactivement les mesures nécessaires pour reconstituer sa carrière et le placer dans une situation régulière et, à défaut d'une nouvelle décision d'éviction ou d'une décision de mise à la retraite, de prononcer sa réintégration effective dans un emploi correspondant à son grade.
4. La commune de Sèvres, qui n'a pas procédé à la réintégration de M. B... ni procédé à la reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux et à pension, fait valoir que ce dernier qui n'a sollicité de mesure d'exécution que le 28 novembre 2018 en adressant une demande en ce sens, doit être regardé comme ayant manifestement renoncé à sa réintégration. Toutefois, à la suite de l'annulation d'une décision d'éviction d'un agent public, l'administration est tenue de procéder à la réintégration de l'agent concerné sans que ce dernier en fasse la demande. La seule circonstance que M. B... ne se soit pas manifesté ne permet pas de considérer qu'il aurait expressément renoncé à sa réintégration effective au sein de la commune.
5. En outre, si la commune soutient qu'elle est dans l'impossibilité de réintégrer M. B... dès lors que les emplois d'ASVP ont tous été supprimés à la suite du transfert de la compétence " stationnement payant " à l'établissement public Grand Paris Seine Ouest, il appartient à la commune de réintégrer le requérant, non pas au poste qu'il occupait lors de son éviction, mais dans un emploi identique ou équivalent correspondant à son grade. Il n'est pas même allégué qu'un tel emploi n'existe pas au sein des services de la commune.
6. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'enjoindre à la commune de Sèvres de réintégrer M. B... dans le grade d'adjoint administratif 2ème classe, de procéder à la reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux et à pension de retraite à compter du 5 mars 2014 et de le réintégrer dans un emploi équivalent à celui qu'il occupait, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme quelconque au titre des frais exposés par la commune de Sèvres et non compris dans les dépens.
8. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Sèvres le versement à M. B... de la somme de 1 500 euros au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Il est enjoint à la commune de Sèvres de réintégrer M. B... dans son grade d'adjoint administratif de 2ème classe, de procéder à la reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux et à pension de retraite à compter du 5 mars 2014 et de le réintégrer à un emploi équivalent à celui qu'il occupait, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 2 : La commune de Sèvres versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Sèvres sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Le maire licencie, le 5 mars 2014, un adjoint administratif, agent de surveillance de la voie publique (ASVP) pour insuffisance professionnelle. Le tribunal annule la décision en mars 2019. Or, la commune n’a pas reconstitué sa carrière, rétabli ses droits sociaux et à pension, ni réintégré l’agent qui, en sollicitant une exécution du jugement le 28 novembre 2018, aurait renoncé à sa réintégration.
Or, après un jugement d’annulation, l’employeur doit réintégrer l’agent sans demande de sa part, l’absence de manifestation ne constituant pas un refus.
La commune estime qu’elle ne peut pas le réintégrer, les postes d’ASVP ayant été supprimés par le transfert de la compétence du stationnement payant à un établissement public de coopération. Mais il lui appartient de le réintégrer non sur le poste qu’il occupait à son éviction, mais dans un emploi identique ou équivalent correspondant à son grade, et rien ne montre que la commune ne disposait pas d’un tel emploi. La cour lui enjoint donc de réintégrer le fonctionnaire sous les 2 mois, de reconstituer sa carrière et ses droits sociaux à compter du 5 mars 2014 et de le réintégrer dans un emploi équivalent à celui qu’il occupait.
CAA Versailles n° 19VE01295 M. B du 28 avril 2020.
Pierre-Yves Blanchard le 24 août 2021 - n°1731 de La Lettre de l'Employeur Territorial
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