CAA Marseille n° 17MA05016 M. C du 26 mars 2019 (droit au reclassement des stagiaires)
N° 17MA05016
9ème chambre - formation à 3
Mme BUCCAFURRI, président
Mme Marie-Claude CARASSIC, rapporteur
M. ROUX, rapporteur public
BETROM, avocat
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté par lequel le président de la Région Languedoc-Roussillon a prononcé son licenciement pour inaptitude physique et d'enjoindre à la région Languedoc-Roussillon de le réintégrer dans ses effectifs.
Par un jugement n° 1600024 du 30 octobre 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 27 décembre 2017, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 octobre 2017 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2015 du président de la Région Languedoc-Roussillon ;
3°) d'enjoindre au président de la Région Occitanie de le réintégrer dans les effectifs de la région ;
4°) de mettre à la charge de la Région Occitanie la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige n'est pas motivé en fait en méconnaissance de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
- la décision en litige a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, en méconnaissance de l'article 4 du décret du 30 juillet 1987 ;
- un fonctionnaire stagiaire bénéficie, en vertu d'un principe général du droit, du droit à être reclassé dans l'attente de sa titularisation ;
- son aptitude physique au travail a été reconnue par le comité médical départemental confirmé par le comité médical supérieur.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2018, la Région Occitanie, représentée par la Selarl d'avocats C.V.S., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. C... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Carassic,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant la Région Occitanie.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... a été nommé le 1er mars 2012 adjoint technique stagiaire de 2ème classe des établissements d'enseignement et a été affecté pour effectuer son stage au lycée Geneviève De Gaulle à Milhaud en qualité d'agent d'entretien. Le 14 septembre 2012, il a fait une tentative de suicide au sein de ce lycée. Cet accident a été reconnu imputable au service par arrêté du 16 juillet 2013 du président de la Région Languedoc-Roussillon. A la suite d'une expertise médicale et conformément à l'avis du 27 novembre 2014 de la commission de réforme, le président de la région a, par arrêté du 18 décembre 2014, fixé la date de consolidation de l'état de santé de M. C... au 6 janvier 2014 et a placé le requérant en congé de maladie ordinaire à mi-traitement du 7 janvier 2014 au 6 janvier 2015, dans l'attente de l'avis du comité médical départemental sur sa demande de congé de longue maladie en raison de sa pathologie psychiatrique. Le 25 février 2015, ce comité a recommandé une reprise immédiate des fonctions à temps plein et a donné un avis défavorable à cette demande de congé de longue maladie. Le comité médical supérieur, saisi par M. C..., a confirmé le 9 juin 2015 cet avis et a conseillé au comité médical départemental d'examiner la nouvelle demande de congé de longue maladie de M. C... présentée cette fois au titre d'une pathologie ophtalmique. Dans son avis du 10 septembre 2015, ce comité départemental l'a déclaré inapte définitivement à toutes fonctions et a affirmé que "le congé de longue maladie (demandé) n'est pas adapté". Après avis du 26 novembre 2015 de la commission administrative paritaire compétente, le président de la Région Languedoc-Roussillon a, par l'arrêté en litige du 30 novembre 2015, mis fin au stage de M. C... pour inaptitude physique de façon définitive et absolue à compter de la notification du présent arrêté et l'a radié à compter de cette date des effectifs de la région Languedoc-Roussillon. Saisi par M. C..., le tribunal administratif de Nîmes, par le jugement attaqué, a rejeté la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de cet arrêté du 30 novembre 2015.
Sur le bien fondé du jugement :
2. En premier lieu, la décision en litige vise les textes applicables à la situation de M. C.... Elle mentionne que le requérant est placé en arrêt de maladie depuis le 14 septembre 2012, que le comité médical départemental du Gard, dans sa séance du 10 septembre 2015, a conclu à son inaptitude définitive et absolue à l'exercice de toutes fonctions et que la commission administrative paritaire compétente a donné le 26 novembre 2015 un avis favorable à son licenciement pour inaptitude physique de façon définitive et absolue. Compte tenu de cette inaptitude totale et définitive à toutes fonctions, aucune motivation particulière ne pouvait être exigée quant à la mise en oeuvre par la région d'une procédure de reclassement de cet agent. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision, au regard des exigences fixées par la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 alors en vigueur, manque en fait et doit être écarté.
3. En deuxième lieu, l'article 4 du décret du 30 juillet 1987 prévoit que le secrétariat du comité médical informe le fonctionnaire de la date à laquelle le comité médical examinera son dossier, de ses droits concernant la communication de son dossier et de la possibilité de faire entendre le médecin de son choix et des voies de recours possibles devant le comité médical supérieur. Par courrier du 31 août 2015, le secrétariat du comité médical a informé M. C... que le comité médical se réunirait le 10 septembre 2015, qu'il pouvait consulter son dossier, que son médecin traitant pouvait venir discuter de sa situation et qu'il pourrait discuter de la décision qui sera rendue devant le comité médical supérieur, faculté que M. C... a d'ailleurs exercée. Le requérant ne conteste pas utilement ne pas avoir reçu ce courrier. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière doit être écarté.
4. En troisième lieu, si, en vertu d'un principe général du droit dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés que les règles statutaires applicables aux fonctionnaires, en cas d'inaptitude physique définitive, médicalement constatée, à occuper un emploi, il appartient à l'employeur de reclasser l'intéressé dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer son licenciement dans les conditions qui lui sont applicables, ni ce principe général ni les dispositions de la loi du 26 janvier 1984 ne confèrent aux fonctionnaires stagiaires, qui se trouvent dans une situation probatoire et provisoire, un droit à être reclassés dans l'attente d'une titularisation pour toute inaptitude physique définitive. La circonstance que la Région Languedoc-Roussillon, devenue Région Occitanie, a informé le requérant par courrier du 1er octobre 2015 qu'après une étude sérieuse de recherche de reclassement, l'administration ne disposait pas d'emploi adapté à son état de santé est sans incidence sur la légalité de la décision en litige. Par suite, M. C..., fonctionnaire stagiaire, ne peut utilement soutenir qu'à défaut d'avoir recherché effectivement à le reclasser, l'administration aurait entaché la décision en litige d'illégalité.
5. En quatrième et dernier lieu, le licenciement en litige de M. C... est fondé sur l'avis du 10 septembre 2015 du comité médical départemental, saisi d'une demande de congé de longue maladie du requérant pour une pathologie ophtalmique. Cet avis déclare le requérant inapte définitivement à l'exercice de toutes fonctions "sans espoir de reprise des fonctions" au regard de sa pathologie ophtalmique et ne saurait ainsi contredire l'avis du 9 juin 2015 du comité médical supérieur confirmant l'aptitude du requérant à la reprise immédiate du travail telle que recommandée par le comité départemental du Gard dans son avis du 26 février 2015 au regard de sa pathologie psychiatrique distincte. M. C..., qui s'est abstenu de présenter des observations par l'intermédiaire de son médecin traitant lors de cette séance du comité médical comme l'y invitait pourtant le courrier du 31 août 2015 du secrétariat du comité médical tel que mentionné au point 3 du présent arrêt, ne peut utilement soutenir que ce comité départemental ne se serait pas fondé sur des pièces sérieuses pour constater cette inaptitude définitive à toutes fonctions. En tout état de cause, le requérant, en se bornant à soutenir qu'il est atteint d'une incapacité modérée ayant conduit à la reconnaissance de travailleur handicapé avec un taux d'incapacité permanente partielle inférieur à 50 % et à produire un certificat médical daté du 5 janvier 2016, d'ailleurs postérieur à la séance du 10 septembre 2015, du comité médical et mentionnant une vision limitée à 6/10 à un oeil et de 4/10 à l'autre oeil sans préciser aucunement son aptitude à une reprise éventuelle des fonctions, ne contredit pas utilement l'avis du 10 septembre 2015 de ce comité médical et n'établit pas, contrairement à ce qu'il soutient, son aptitude à cette reprise.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 novembre 2015 du président de la Région Languedoc-Roussillon. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'enjoindre au président de la Région Occitanie de le réintégrer dans les effectifs de la région doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la Région Occitanie, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme sur le fondement de cet article. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. C... la somme que demande la Région Occitanie au titre des frais engagés par elle et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la Région Occitanie sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et à la Région Occitanie.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2019, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- Mme Simon, président-assesseur,
- Mme Carassic, première conseillère.
Lu en audience publique, le 26 mars 2019.
Dans une affaire, le président de la région nomme, le 1er mars 2012, un adjoint technique stagiaire 2e classe des établissements d’enseignement qui tente de se suicider dans son lycée le 14 septembre. Reconnu imputable au service, le président fixe la consolidation de cet accident le 18 décembre 2014 et place l’agent en maladie ordinaire. Le comité médical se déclare favorable à une reprise le 25 février 2015, que confirme le comité médical supérieur. L’agent réclame alors un congé de longue maladie pour une pathologie ophtalmique qui amène le comité médical à le déclarer totalement et définitivement inapte à toutes fonctions, entraînant son licenciement le 30 novembre 2015. L’intéressé estime que la région devait examiner un reclassement pour inaptitude physique.
Mais si un principe général du droit, dont s'inspirent le code du travail et les règles statutaires des fonctionnaires en cas d'inaptitude physique définitive médicalement constatée à occuper un emploi, oblige l'employeur à reclasser l'intéressé et, en cas d'impossibilité, à le licencier, ni ce principe, ni les dispositions de textes ne confèrent aux stagiaires, dans une situation probatoire et provisoire, un droit à être reclassés dans l'attente d'une titularisation, pour toute inaptitude physique définitive (CE n° 381429 M. B du 17 février 2016).
Un licenciement régulier
Que la région ait informé l’agent le 1er octobre qu’après une recherche sérieuse de reclassement, elle ne disposait pas d’emploi adapté à son état de santé, est donc sans incidence sur la légalité de la décision de licenciement, fondé sur un avis qui le déclarait inapte sans espoir de reprise de fonctions au regard de sa pathologie.
Sur un plan formel, la décision vise les textes applicables, indique que le stagiaire est en arrêt de maladie depuis le 14 septembre 2012, que le comité médical a conclu à son inaptitude définitive en septembre 2015 et que la CAP s’est déclarée favorable à son licenciement. La décision est suffisamment motivée au sens du code des relations entre le public et l’administration (article L. 211–5) et ne devait pas notamment évoquer la question d’un reclassement.
S’agissant de la saisine du comité médical, son secrétariat doit informer l’agent de la date d’examen de son dossier, de ses droits à communication, de la possibilité de faire entendre le médecin de son choix et d’un recours devant le comité médical supérieur (article 4 du décret n° 87–602 du 30 juillet 1987).
Attention : dans l’affaire, un courrier du secrétariat du 31 août informe bien l’agent de la réunion du 10 septembre 2015, de la possibilité de consulter son dossier, que son médecin traitant pouvait venir discuter de sa situation et qu’il pourrait ensuite contester l’avis devant le comité médical supérieur, ce que l’intéressé a d’ailleurs fait. Dans ces conditions, la procédure de saisine a été régulière.
CAA Marseille n° 17MA05016 M. C du 26 mars 2019.
Pierre-Yves Blanchard le 08 septembre 2020 - n°1687 de La Lettre de l'Employeur Territorial
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