CAA Bordeaux n° 15BX03196 M. C du 3 janvier 2017 (nomination et collaborateur de cabinet)

N° 15BX03196
6ème chambre - formation à 3
M. LARROUMEC, président
M. Pierre BENTOLILA, rapporteur
Mme MOLINA-ANDREO, rapporteur public
CABINET JEAN-JACQUES MOREL, avocat
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé devant le tribunal administratif de la Réunion l'annulation de la décision du 13 mai 2014 par laquelle le maire de la commune de la Plaine des Palmistes a rapporté l'arrêté municipal du 5 décembre 2013 portant intégration de M. A... dans la fonction publique territoriale en qualité d'éducateur des activités physiques et sportives.
Par un jugement n° 1400453 du 9 juillet 2015, le tribunal administratif de la Réunion a annulé la décision du 13 mai 2014 portant retrait de l'arrêté du 5 décembre 2013.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée au greffe le 3 octobre 2015, la commune de la Plaine des Palmistes, représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 juillet 2015 du tribunal administratif de la Réunion ou à tout le moins de réformer ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. A...présentée devant le tribunal administratif de la Réunion ;
3°) de mettre à la charge de M. A...à verser à la commune la somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du 5 décembre 2013 d'intégration de M. A...dans la fonction publique territoriale en qualité d'éducateur des activités physiques et sportives était entachée d'illégalité dès lors que les procédures internes à la Poste, qui auraient permis son intégration dans la fonction publique territoriale n'ont pas été respectées ;
- l'acte du 5 décembre 2013 dont la commune a effectué le retrait par l'arrêté du 13 mai 2014 qui est en litige, est un acte obtenu par fraude, et se trouve par ailleurs entaché d'inexistence dès lors qu'il constitue une nomination pour ordre ;
- M. A...ne pouvait être détaché à la fois sur un emploi de collaborateur de cabinet et sur un emploi d'éducateur des activités physiques et sportives ;
- la commission administrative paritaire n'a jamais été saisie, pour se prononcer sur l'intégration de M. A...dans la fonction publique territoriale ;
- l'article 2 du décret n° 87-1004 du 16 décembre 1987 relatif aux collaborateurs de cabinet des autorités territoriales, pose le principe de l'incompatibilité entre les fonctions de collaborateur de cabinet et l'affectation dans un emploi permanent de la collectivité ;
- l'intégration de M. A...en qualité d'éducateur des activités physiques et sportives est entachée de détournement de pouvoir ;
- cet acte ayant été obtenu par fraude, il peut faire l'objet d'un retrait au-delà du délai de quatre mois de son édiction ;
- M. A...a en effet dévoyé le processus d'intégration des fonctionnaires de la Poste, au seul effet d'obtenir son intégration dans la fonction publique territoriale et ce sur un emploi d'éducateur des activités physiques et sportives, dont la collectivité n'avait nul besoin et sur un emploi qu'il n'a jamais occupé ;
- la fraude est établie par la précipitation avec laquelle M. A...a obtenu son intégration dans la fonction publique territoriale, seulement treize jours après avoir présenté sa demande, le 22 novembre 2013 ;
- M. A...ne pouvait ignorer le caractère illégal de son intégration dans la fonction publique territoriale, dans des fonctions qu'il n'avait jamais auparavant exercées ;
- la circonstance que la commune ait eu connaissance de ces manoeuvres frauduleuses se trouve sans incidence, sur la qualification de fraude, comme en a par exemple jugé le Conseil d'Etat dans une décision du 6 décembre 2013, n° 354703 ;
- l'arrêté d'intégration dans la fonction publique territoriale dont le retrait est en litige est en tout état de cause entaché d'inexistence pour constituer une nomination pour ordre dès lors qu'en vertu de l'article 12 de la loi du 13 juillet 1983 portant statut général des fonctionnaires " (...) toute nomination ou toute promotion dans un grade qui n'intervient pas exclusivement en vue de pourvoir à un emploi vacant et de permettre à son bénéficiaire d'exercer les fonctions correspondantes est nulle (...) ".
- la jurisprudence du Conseil d'Etat considère que constitue une nomination pour ordre toute nomination n'ayant pas été suivie par une affectation effective correspondant au grade conféré par cette nomination et que l'administration doit mettre fin à tout moment à une nomination pour ordre ;
- en l'espèce, M. A...n'a jamais exercé les fonctions d'éducateur des activités physiques et sportives et n'a jamais cessé d'être collaborateur de cabinet.
Par un mémoire en défense du 1er juin 2016, M.A..., représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête de la commune de la Plaine des Palmistes et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la requête d'appel de la commune est irrecevable, faute pour la commune d'être représentée par une personne physique ;
- la procédure d'intégration dans la fonction publique territoriale s'est faite en conformité avec la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 et avec le décret n° 2008-59 du 17 janvier 2008 ;
- son intégration dans la fonction publique territoriale n'est pas entachée de fraude dès lors que la collectivité est libre de créer des emplois ;
- il ne s'est rendu l'auteur d'aucune fraude, étant de bonne foi et ayant souhaité, de façon tout à fait légitime, être intégré dans la fonction publique territoriale en qualité d'éducateur des activités physiques et sportives, ce qui lui était permis par le fait qu'il était titulaire du brevet d'Etat d'éducateur du 1er degré ;
- la décision d'intégration dans la fonction publique territoriale en qualité d'éducateur des activités physiques et sportives ne constitue pas une nomination pour ordre, dès lors que la commune n'établit pas que le poste sur lequel il a été intégré n'existait pas avant son intégration. Le fait qu'il soit resté collaborateur de cabinet n'implique pas que sa nomination comme d'éducateur des activités physiques et sportives soit regardée comme une nomination pour ordre alors qu'il a par ailleurs occupé l'emploi d'éducateur des activités physiques et sportives pendant vingt-six jours.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pierre Bentolila,
- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.
Deux notes en délibéré pour M. A...ont été enregistrées le 12 et le 22 décembre 2016.
Une note en délibéré pour la commune de la Plaine des palmiste a été enregistrée le 22 décembre 2016.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., fonctionnaire de La Poste a été placé en disponibilité, à compter du 21 mars 2008 pour exercer des fonctions de collaborateur de cabinet auprès du maire de la commune de La Plaine des Palmistes. En application du dispositif de mobilité spécifique institué en faveur des fonctionnaires de La Poste par l'article 29-5 de la loi du 2 juillet 1990 issu de la loi du 2 février 2007, il a fait l'objet d'une convention de mise à disposition passée entre La Poste et la commune de La Plaine des Palmistes le 21 novembre 2012 et a bénéficié, avec effet au 1er décembre 2012, d'un détachement auprès de la commune en qualité d'éducateur des activités physiques et sportives. L'arrêté portant détachement en cette qualité a été suivi d'un arrêté en date du 26 décembre 2012 par lequel le maire a détaché l'intéressé sur l'emploi de collaborateur de cabinet. Par arrêté du 5 décembre 2013, le maire de La Plaine des Palmistes a prononcé l'intégration de M. A...dans la fonction publique territoriale en qualité d'éducateur territorial des activités physiques et sportives. Par un arrêté du 13 mai 2014, le nouveau maire de La Plaine des Palmistes a rapporté l'arrêté du 5 décembre 2013. Par un jugement du 9 juillet 2015, le tribunal administratif de la Réunion à la demande de M.A..., a annulé la décision du 13 mai 2014 portant retrait de l'arrêté du 5 décembre 2013. La commune de la Plaine des Palmistes relève appel de ce jugement.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête :
2. M. A...oppose en défense une fin de non-recevoir tirée de l'absence de qualité pour agir de la commune faute de représentation par une personne physique. Si la requête d'appel de la commune présentée par ministère d'avocat, n'indique pas de façon expresse, que la commune est représentée par son maire, cette omission purement matérielle n'entache pas d'irrecevabilité la requête d'appel de la commune de la Plaine des Palmistes.
Sur le bien-fondé de la requête de la commune de la Plaine des Palmistes :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Sur la nomination pour ordre :
3. La personne publique est en droit de demander une substitution de motifs, à la condition que le destinataire de la décision de l'administration ne soit pas privé d'une garantie. Même si la décision en litige du 13 mai 2014 portant annulation de l'arrêté de nomination du 5 décembre 2013, n'est fondée que sur l'existence d'une fraude, la commune de la Plaine des Palmistes peut demander , comme elle le faisait déjà en première instance et sans priver M. A...d'une garantie que la décision de retrait de la décision d'intégration dans la fonction publique territoriale en qualité d'éducateur territorial des activités physiques et sportives, soit regardée comme se trouvant fondée sur l'existence d'une nomination pour ordre.
4. Aux termes de l'article 12 de la loi n° 83-634 susvisée du 13 juillet 1983 : " (...) Toute nomination ou toute promotion dans un grade qui n'intervient pas exclusivement en vue de pourvoir à un emploi vacant et de permettre à son bénéficiaire d'exercer les fonctions correspondantes est nulle. (...) ". Il ressort des pièces du dossier que M.A..., contrairement à ce qu'il soutient, n'a jamais occupé, que ce soit par l'effet de l'arrêté du 1er décembre 2012 de détachement auprès de la commune de la Plaine des Palmistes en qualité d'éducateur des activités physiques et sportives ou par l'effet de l' arrêté du 5 décembre 2013 par lequel le maire, a prononcé l'intégration après détachement, de M.A..., dans la fonction publique territoriale en qualité d'éducateur territorial des activités physiques et sportives, l'emploi d'éducateur territorial des activités physiques et sportives, pour lequel au demeurant aucune justification de la création de l'emploi ni à fortiori de la vacance de cet emploi n'a été apportée. Il est par ailleurs constant que M. A...en dépit des deux arrêtés de détachement et de nomination dans l'emploi d'éducateur territorial des activités physiques et sportives, n'avait jamais cessé d'exercer les fonctions de collaborateur de cabinet dans lesquelles il avait été nommé puis détaché par arrêté du 26 décembre 2012 du maire de la commune de la Plaine des Palmistes. Dans ces conditions, la nomination de M.A..., par arrêté du 5 décembre 2013 dans l'emploi d'éducateur territorial des activités physiques et sportives, n'est pas intervenue en vue de pourvoir un emploi vacant ni pour l'occupation d'un emploi, et a constitué une nomination pour ordre, ne créant aucun droit au profit de M.A.... Le maire de la commune de la Plaine des Palmistes était donc en droit par l'arrêté en litige du 13 mai 2014 de constater l'inexistence de la nomination de M.A....
5. La commune de la Plaine des Palmistes est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de la Réunion a annulé la décision du 13 mai 2014 portant retrait de l'arrêté du 5 décembre 2013.
6. Il appartient à la cour, de par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens invoqués par M. A...à l'appui de sa demande. Compte tenu de ce qui précède les moyens invoqués par M. A...tirés de ce que sa nomination en qualité d'éducateur territorial titulaire des activités physiques et sportives, ne pouvait être retirée au-delà du délai de quatre mois à compter de son édiction, et celle selon laquelle elle n'aurait pas été acquise par fraude, sont inopérants et ne peuvent qu'être écartés. Si M. A...fait valoir que le retrait de sa nomination ne s'expliquerait que par le comportement du nouveau maire de la commune de la Plaine des Palmistes, qui chercherait à évincer les agents recrutés sous l'ancienne municipalité, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi dès lors que l'annulation de la nomination de M. A...n'a pour cause que l'inexistence juridique de cette nomination compte tenu de ce qu'elle a constitué une nomination pour ordre.
7. Il résulte de ce qui précède que la commune de la Plaine des Palmistes est fondée à demander l'annulation du jugement du 9 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif tribunal administratif de la Réunion a annulé la décision du 13 mai 2014 par laquelle le maire de la commune de la Plaine des Palmistes a rapporté l'arrêté municipal du 5 décembre 2013 portant intégration de M. A...dans la fonction publique territoriale en qualité d'éducateur des activités physiques et sportives.
Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de la Plaine des Palmistes qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A...la somme demandée par la commune sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1400453 du 9 juillet 2015 du tribunal administratif de la Réunion est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de la Réunion et ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le surplus de la requête de la commune de La Plaine des Palmistes est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Plaine des Palmistes et à M. C... A....
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2016, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Antoine Bec, président-assesseur,
M. Pierre Bentolila, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 janvier 2017.
Le rapporteur,
Pierre Bentolila
Le président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Viril
Dans une affaire, un fonctionnaire de La Poste est placé en disponibilité le 21 mars 2008 pour être collaborateur de cabinet auprès du maire. Profitant d’un dispositif de mobilité (article 29-5 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990), il est détaché le 1er décembre 2012 comme éducateurs des APS et à nouveau détaché comme collaborateur de cabinet le 26 décembre 2012, avant d’être intégré éducateur en décembre 2013.
En mai 2014, le nouveau maire retire l’intégration, une décision annulée par le tribunal. En appel, la cour observe que l’éducateur n’a jamais occupé un emploi correspondant à son grade, la commune n’apportant aucun élément établissant la création de cet emploi ou une quelconque vacance, et l’agent étant en réalité toujours collaborateur de cabinet. Son intégration, qui n’est pas intervenue pour pourvoir un emploi vacant et permettre à l’agent de l’occuper, a constitué une nomination pour ordre, insusceptible de lui créer des droits. Son retrait étant possible à tout moment, le maire pouvait constater son inexistence juridique.
Attention : il importe peu que le délai de 4 mois encadrant normalement le retrait d’une décision administrative ait expiré ou que son intégration n’ait pas été obtenue par fraude. La nomination pour ordre créant par elle-même une situation de non existence juridique, la commune obtient logiquement l’annulation de la décision du tribunal.
CAA Bordeaux n° 15BX03196 M. C du 3 janvier 2017.
Pierre-Yves Blanchard le 26 juin 2018 - n°1589 de La Lettre de l'Employeur Territorial
- Conserver mes publications au format pdf help_outline
- Recevoir par mail deux articles avant le bouclage de la publication.help_outline
- Créer mes archives et gérer mon fonds documentairehelp_outline
- Bénéficier du service de renseignements juridiqueshelp_outline
- Bénéficier du service InegralTexthelp_outline
- Gérer mon compte abonnéhelp_outline