CAA Bordeaux n° 17BX00839 Mme A du 25 juin 2019 (accident de service)

N° 17BX00839
Président
M. REY-BETHBEDER
Rapporteur
Mme Aurélie CHAUVIN
Rapporteur public
M. NORMAND
Avocat(s)
CABINET VACARIE & DUVERNEUIL
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du centre hospitalier universitaire de Toulouse du 9 mars 2015 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 11 septembre 2014.
Par un jugement n° 1501881 du 20 janvier 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande et mis à sa charge une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 mars 2017 et le 7 mars 2018, Mme A..., représentée par MeG..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 janvier 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 9 mars 2015 par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire de Toulouse a refusé de reconnaître son accident de travail du 11 septembre 2014 comme étant imputable au service ;
3°) en toute hypothèse, de réformer le jugement en ce qu'il a mis à sa charge une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la décision du 9 mars 2015 était suffisamment motivée alors qu'elle se borne à mentionner les différents avis médicaux ainsi que celui de la commission de réforme et les dispositions légales applicables, à reprendre les observation de son médecin conseil, qui n'a pas examiné l'agent malade, est rhumatologue alors que la lésion de l'agent est une atteinte à l'intégrité psychologique, et que la lettre d'accompagnement ne précise pas non plus les éléments du dossier qui ont motivé l'administration à passer outre l'avis favorable de la commission de réforme et les conclusions médicales d'un psychiatre ;
- le tribunal a inversé la charge de la preuve en faisant peser sur la requérante l'obligation de démontrer le lien de causalité direct et certain entre la dégradation de son état de santé ayant entraîné un arrêt de travail à compter du 12 septembre 2014 et les conditions de travail alors que la jurisprudence reconnaît au bénéfice de l'agent une présomption d'imputabilité au service en cas de lésion ou de maladie survenant sur le lieu et les heures de travail et que c'est à l'administration d'établir qu'une faute personnelle est seule à l'origine de l'accident ; en l'espèce, les propos échangés lors de son entretien du 11 septembre 2014 avec la cadre de santé et la cadre supérieure ont été violents et ont constitué la manifestation d'un pic de stress à l'origine d'un accident de service, cette dépression réactionnelle étant consécutive à des problématiques managériales dans le cadre de son activité professionnelle et sur son lieu de travail qui s'inscrivait dans un épuisement professionnel ; la décision attaquée est entachée d'erreur d'appréciation et de droit ;
- sa condamnation au paiement de sommes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est particulièrement inéquitable s'agissant d'un agent malade à cause du travail et dont les revenus ont été réduits du fait de la non reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident de travail du 11 septembre 2014.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 26 septembre 2017 et le 30 mars 2018, le centre hospitalier universitaire de Toulouse, représenté par Me H...conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 8 mars 2018, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu au 9 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 88-836 du 19 avril 1988 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Normand, rapporteur public ;
- et les observations de MeG..., représentant MmeA..., et de MeE..., représentant le CHU de Toulouse.
Considérant ce qui suit :
1. Mme F...A..., infirmière diplômée d'Etat, relève appel du jugement n° 1501881 du 20 janvier 2017, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 mars 2015 par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse a rejeté sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de l'accident dont elle estime avoir été victime le 11 septembre 2014 et a mis à sa charge une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il ressort des motifs de la décision du 9 mars 2015, qui vise les dispositions législatives et règlementaires, ainsi que les différents avis médicaux et réunions de la commission de réforme, que le rejet de la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de l'accident du 11 septembre 2014 déclaré par Mme A...se fonde sur les observations émises par le DrB..., médecin conseil au CHU de Toulouse dans sa fiche de suivi médical du 26 septembre 2014 qu'elle vise et dont elle reproduit à son article 1er les termes, à savoir " avis défavorable en l'absence d'élément extérieur brutal et soudain portant atteinte à l'intégrité physique définissant réglementairement un accident de service (problème de planning et d'horaires avec sa hiérarchie) ". Le directeur général du CHU de Toulouse, qui doit être regardé comme s'étant approprié la teneur de l'avis de son médecin conseil, ainsi qu'il le pouvait, et qui n'était pas lié par l'avis de la commission de réforme hospitalière, a suffisamment motivé sa décision. C'est par suite à bon droit que le tribunal administratif de Toulouse a écarté le moyen tiré de l'insuffisance de motivation.
3. En second lieu, constitue un accident de service, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce.
4. Mme A...a adressé, le 16 septembre 2014, une déclaration d'accident de travail dans laquelle elle décrit un syndrome anxio-dépressif l'ayant conduite à consulter en urgence à la suite d'un entretien avec sa hiérarchie en date du 11 septembre 2014 survenu sur son lieu de travail et pendant ses heures de service. Il est constant que, le 10 septembre 2014, Mme A...a eu un vif échange avec sa cadre de santé au sujet d'une modification de son planning et de ses horaires au cours duquel elle a tenu des propos inappropriés. Il ressort, de plus, des pièces du dossier que le lendemain, 11 septembre 2014, elle a été convoquée par la cadre de santé et sa cadre supérieure pour l'informer de ce que l'écart verbal de la veille avait motivé la rédaction d'un rapport et l'engagement d'une procédure disciplinaire. Le 12 septembre 2014, son médecin généraliste a établi un arrêt de travail d'un mois pour un " syndrome anxio-dépressif réactionnel lié à un problème au travail avec troubles du sommeil, humeur triste, pleurs fréquents, troubles de l'appétit, difficulté à se concentrer ".
5. Il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport du 11 décembre 2014 du DrC..., psychiatre missionné par la commission de réforme, qui se prononce en faveur de l'imputabilité au service, que si Mme A...ne souffrait d'aucun antécédent psychopathologique dans son histoire personnelle et professionnelle, elle " décrit les symptômes progressifs d'épuisement psychiques qui se sont installés depuis plusieurs mois dans ce contexte conflictuel quotidien. ". Mme A...reconnaît d'ailleurs que son état anxio-dépressif s'inscrit dans un contexte d'épuisement professionnel et de méthodes managériales qu'elle estime excessives et qui l'ont fragilisée. Dès lors, si sa pathologie apparaît en lien avec le service, elle ne peut être regardée comme la conséquence brutale d'un choc soudain survenu le 11 septembre 2014. Dans ces conditions, cet évènement ne peut être qualifié d'accident de service. Par suite, et nonobstant l'avis favorable rendu par la commission de réforme, le 26 février 2015, le directeur du CHU de Toulouse a pu rejeter la demande de Mme A...visant à ce que l'épisode survenu le 11 septembre 2014 soit regardé comme étant un accident de service, sans entacher la décision litigieuse du 9 mars 2015 d'erreur de droit ou d'erreur d'appréciation.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du CHU de Toulouse du 9 mars 2015 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 11 septembre 2014.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué :
7. En mettant à la charge de MmeA..., qui était la partie perdante en première instance, une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser au CHU de Toulouse en raison des frais qu'il avait exposés non compris dans les dépens, le tribunal administratif de Toulouse a fait une exacte application de ces dispositions.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CHU de Toulouse, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par MmeA..., au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'appelante la somme demandée par l'intimé, au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du CHU de Toulouse présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... A...et au centre hospitalier universitaire de Toulouse.
Délibéré après l'audience du 14 mai 2019, à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 25 juin 2019.
Le rapporteur,
Aurélie D...
Le président,
Éric Rey-Bèthbéder
Le greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service (CITIS) si son incapacité est consécutive à un accident reconnu comme tel, un accident de trajet ou une maladie professionnelle. Est présumé imputable tout accident survenu à un fonctionnaire quelle qu’en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans ou à l’occasion de ses fonctions ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal, en l’absence de faute personnelle ou d’une circonstance particulière l’en détachant (article 21 bis de la loi n° 83–634 du 13 juillet 1983).
La cour rappelle qu’un accident se définit comme un événement survenu à une date certaine par le fait ou à l’occasion du service, dont une lésion est résultée, quelle qu’en soit la date d’apparition.
À retenir : le juge ne conteste pas que la pathologie ait un lien avec le service. Mais ce n’est pas la conséquence brutale d’un choc soudain et elle ne constitue pas, au sens strict, un accident de service. Sans doute aurait-elle pu être qualifiée de maladie professionnelle, même si les affections psychiatriques ne sont pas inscrites dans un tableau du régime général.
CAA Bordeaux n° 17BX00839 Mme A du 25 juin 2019.
Pierre-Yves Blanchard le 10 novembre 2020 - n°1696 de La Lettre de l'Employeur Territorial
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