CAA Versailles n° 18VE00527 Mme B du 25 juillet 2019 (suspension disciplinaire et intérêts privés)
Par ailleurs, si les agents ne sont pas pécuniairement responsables des conséquences dommageables de leurs fautes de service, il ne saurait en être ainsi lorsque le préjudice qu’ils ont causé est imputable à des fautes personnelles détachables de l’exercice des fonctions, un principe qui concerne aussi les élus locaux. Ont le caractère d’une faute personnelle détachable des fonctions, les faits qui révèlent des préoccupations d’ordre privé, procèdent d’un comportement incompatible avec les obligations s’imposant dans l’exercice de fonctions publiques ou qui, eu égard à leur nature et aux conditions dans lesquelles ils ont été commis, revêtent une particulière gravité (voir pour un refus de protection fonctionnelle du maire CE n° 391798 commune de Roquebrune-sur-Argens du 30 décembre 2015).
Dans une affaire (CAA Versailles n° 18VE00527 Mme B du 25 juillet 2019), la maire invite 2 adjointes administratives de 2e classe à rester à leur domicile le 12 novembre 2012 puis les suspend à titre disciplinaire par 2 arrêtés des 31 janvier et 3 juin 2013, les femmes étant réintégrées en mai 2014 avec l’élection du nouveau maire. La mairie, condamnée à verser aux 2 femmes 73 900 €, en demande le reversement à l’ancien maire par un titre exécutoire du 30 juin 2016.
Le 7 novembre 2012, ces 2 secrétaires au cabinet de la maire, chargées de traiter sa messagerie professionnelle, y découvrent 3 fichiers vidéo pornographiques sur lesquels la maire y est reconnaissable. Elles montrent ces courriels au directeur de cabinet qui en informe l’élue, ce qui entraîne leur éloignement du service.
Une décharge partielle de responsabilité
Pour l’élue, les secrétaires ont manqué à leur obligation de discrétion en récupérant dans le dossier « brouillons » des messages dont le caractère personnel ne prêtait à aucune confusion. Mais leurs fonctions les conduisaient précisément à prendre connaissance des messages de la boîte mail, et rien ne montre qu’elles se soient livrées à des manœuvres pour les consulter et les diffuser.
L’élue les accuse d’un chantage pour obtenir une évolution de carrière favorable mais la plainte qu’elle dépose ne l’établit pas. En revanche, elle n’explique pas les raisons pour lesquelles elle n’a pas engagé de procédure disciplinaire en dépit d’une suspension de plus de 16 mois, dont la prolongation au-delà de 4 mois n’est possible qu’en cas de poursuites pénales (article 30 de la loi). Au contraire, l’enquête de police montre que la maire a bien exigé de son directeur de cabinet que les 2 secrétaires cessent immédiatement leurs fonctions dans l’attente d’une autre affectation. Eu égard à ses conditions de prononcé et à sa durée, la mesure de suspension n’avait d’autre objectif que d’écarter durablement les secrétaires du service pour un motif personnel lié à la découverte de vidéos pornographiques. Ces préoccupations d’ordre privé présentent bien le caractère d’une faute personnelle détachable de l’exercice des fonctions de maire.
Cependant, au plan financier, si la cour reconnaît que les mesures d’éviction des 2 secrétaires répondaient partiellement à un motif personnel, elles visaient aussi à garantir un fonctionnement normal de la commune, susceptible d’être perturbé par la révélation de vidéos compromettantes, et à permettre à la maire de poursuivre ses fonctions avec l’autorité nécessaire. Ces éléments, non dénués de tout lien avec l’intérêt du service, sont bien de nature à atténuer la responsabilité pécuniaire de l’ancienne maire à hauteur de la moitié des sommes dont la commune demande le reversement. Le tribunal ayant déjà ramené la somme à charge de la femme à 53 000 €, ne subsiste in fine qu’une somme de 26 460 €.
Pierre-Yves Blanchard le 23 juin 2020 - n°1680 de La Lettre de l'Employeur Territorial
- Conserver mes publications au format pdf help_outline
- Recevoir par mail deux articles avant le bouclage de la publication.help_outline
- Créer mes archives et gérer mon fonds documentairehelp_outline
- Bénéficier du service de renseignements juridiqueshelp_outline
- Bénéficier du service InegralTexthelp_outline
- Gérer mon compte abonnéhelp_outline