CAA Nantes n° 17NT03441 M. F du 4 octobre 2019 (refus renouvellement et droit au chômage)
N° 17NT03441
Président
Mme TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur
M. Arnaud MONY
Rapporteur public
M. GAUTHIER
Avocat(s)
SELARL JURIADIS
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 29 juin 2016 du centre hospitalier de Coutances refusant de modifier le contenu de l'attestation-employeur lui ayant été remise au terme de son contrat ainsi que la décision implicite de rejet du recours formé le 18 juillet 2016 contre cette décision.
Par un jugement n° 1602422 du 22 septembre 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2017, M. E..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 septembre 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 29 juin 2016 ;
3°) d'enjoindre au centre hospitalier de Coutances de lui délivrer une attestation-employeur rectifiée indiquant que le motif de la rupture du contrat est la venue à terme de celui-ci ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Coutances une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée émane d'une autorité incompétente ;
- son employeur ne lui a pas proposé le renouvellement de son contrat en méconnaissance des dispositions de l'article 41 du décret du 6 février 1991 ;
- le courriel du 11 mai 2016 auquel fait référence son ancien employeur ne peut être regardé comme un refus de renouvellement de contrat dès lors qu'il n'a reçu aucune proposition en ce sens ;
- ce courriel ne peut être regardé comme une preuve ;
- l'entretien auquel il avait été convié dans le cadre de sa fin de contrat n'a jamais eu lieu ;
- à supposer même qu'il ait envoyé ce courriel, il ne pouvait s'agir d'une décision ferme et définitive.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 août 2018 le centre hospitalier de Coutances, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. E... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par le requérant n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le règlement général annexé à la convention du 6 mai 2011 relative à l'indemnisation du chômage ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... a été recruté à compter du 5 janvier 2016 par le centre hospitalier de Coutances dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée en qualité d'aide-soignant, pour une période s'étendant jusqu'au 31 mai suivant. Dans la perspective de la fin de son contrat, le centre hospitalier de Coutances lui a remis le 20 mai 2016 une attestation destinée à Pôle Emploi indiquant comme motif de rupture du contrat de travail : " rupture anticipée d'un contrat à durée déterminée ou d'un contrat d'apprentissage à l'initiative du salarié ". Estimant ce motif erroné, M. E... a, par un courrier du 22 juin 2016, demandé à son employeur de rectifier cette attestation, en faisant valoir qu'aucune proposition de renouvellement de son contrat ne lui avait été faite. Par décision du 29 juin 2016, le centre hospitalier de Coutances a rejeté cette demande. M. E... a alors formé le 18 juillet suivant un recours administratif contre cette décision, qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Il relève appel du jugement du 22 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, c'est au terme d'une exacte motivation, qu'il y a par suite lieu d'adopter, que le tribunal administratif a, au point 2 de son jugement, écarté le moyen d'annulation tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision du 29 juin 2016.
3. En second lieu, aux termes de l'article L. 5422-1 du code du travail : " Ont droit à l'allocation d'assurance les travailleurs involontairement privés d'emploi (...), aptes au travail et recherchant un emploi qui satisfont à des conditions d'âge et d'activité antérieure ". L'article L. 5424-1 du même code dispose que : " Ont droit à une allocation d'assurance dans les conditions prévues aux articles L. 5422-2 et L. 5422-3 : / 1° Les agents fonctionnaires et non fonctionnaires de l'Etat et de ses établissements publics administratifs, les agents titulaires des collectivités territoriales ainsi que les agents statutaires des autres établissements publics administratifs ainsi que les militaires ; / 2° Les agents non titulaires des collectivités territoriales et les agents non statutaires des établissements publics administratifs autres que ceux de l'Etat (...) ". En vertu de l'article L. 5424-2 de ce code, les employeurs mentionnés à l'article L. 5424-1 assurent en principe la charge et la gestion de l'allocation d'assurance chômage.
4. En vertu de l'article 2 du règlement général annexé à la convention du 6 mai 2011 relative à l'indemnisation du chômage, conclue sur le fondement de l'article L. 5422-20 du code du travail et agréée par arrêté du ministre du travail, de l'emploi et de la santé du 15 juin 2011, applicable aux agents publics involontairement privés d'emploi, sont notamment regardés comme involontairement privés d'emploi ou assimilés les salariés dont la cessation du contrat de travail résulte d'une fin de contrat de travail à durée déterminée ou d'une démission considérée comme légitime. Si l'article 41 du décret du 6 février 1991, relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986, impose à l'établissement public de santé qui recrute un agent contractuel pour une période déterminée susceptible d'être reconduite de notifier à l'intéressé, dans un certain délai avant le terme du contrat, son intention de le renouveler ou non, l'agent contractuel qui fait connaître à son employeur, avant que ce dernier lui ait notifié son intention de renouveler ou non le contrat, qu'il refuse un tel renouvellement, sans que ce refus soit fondé sur un motif légitime, ne saurait, alors même qu'aucune proposition de renouvellement de son contrat ne lui aurait ensuite été faite, être regardé comme involontairement privé d'emploi à l'issue de son contrat de travail à durée déterminée.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. E... a été rendu destinataire le 6 mai 2016, par l'intermédiaire du réseau de messagerie interne du centre hospitalier de Coutances, d'un courriel l'invitant à participer à un entretien fixé au 11 mai dans la perspective de la fin de son contrat. Le centre hospitalier a produit une copie d'un courriel daté du même jour, où apparaît comme expéditeur le nom de M. E..., indiquant : " Je vous informe que je ne souhaite pas prolonger mon contrat de travail " et précisant qu'il débuterait sa formation d'infirmier en septembre 2016. Si le requérant fait valoir qu'il n'est pas l'auteur de ce courriel, il n'apporte aucun élément concret à l'appui de cette allégation. Ainsi, le centre hospitalier doit être regardé comme apportant la preuve de ce que M. E... n'entendait pas poursuivre son engagement auprès de lui au delà du terme initial de son engagement. Dans ces conditions, le centre hospitalier de Coutances n'avait pas à formuler de proposition en vue du renouvellement du contrat de M. E... qui, par suite, ne pouvait être regardé comme ayant été involontairement privé d'emploi au sens de l'article 2 du règlement général annexé à la convention du 6 mai 2011. Ainsi, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Caen a jugé que M. E... n'était pas fondé à demander la modification de l'attestation Pôle Emploi lui ouvrant droit au bénéfice de l'allocation de retour à l'emploi.
6. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Le présent arrêt n'appelant aucune mesure particulière en vue de son exécution, les conclusions présentées par M. E... tendant à ce qu'il soit enjoint au centre hospitalier de Coutances de lui remettre une attestation Pôle Emploi rectifiée ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais d'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier de Coutances, qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire, verse à M. E... la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E..., au même titre, une somme de 800 euros au profit du centre hospitalier de Coutances.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : M. E... versera une somme de 800 euros au centre hospitalier de Coutances en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E... et au centre hospitalier de Coutances.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme G..., présidente,
- M. A..., premier conseiller,
- M. Berthon, premier conseiller.
Lu en audience publique le 4 octobre 2019.
Le rapporteur
A. A...
La présidente
N. G...
Le greffier
M. D...
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Dans une affaire fondée sur cette même notion de démission légitime figurant alors dans le règlement général annexé à la convention chômage du 6 mai 2011, un aide-soignant hospitalier conteste le motif de rupture à son initiative figurant sur l’attestation qui lui est remise le 20 mai 2016.
Si l’employeur doit notifier ses intentions au contractuel en CDD susceptible de reconduction dans un délai compris entre 8 jours et 2 mois (3 mois pour un CDI) (article 38–1 du décret n° 88–145 du 15 février 1988), l’agent qui fait connaître son propre refus avant la notification, sans le fonder sur un motif légitime, ne saurait être involontairement privé d’emploi, même en l’absence de proposition de renouvellement.
Dans l’affaire, l’aide-soignant, destinataire le 6 mai 2016 d’un courriel l’invitant à un entretien 5 jours plus tard dans la perspective de la fin de son contrat, indique qu’il ne souhaite pas prolonger son contrat, débutant une formation d’infirmier en septembre.
À retenir : l’hôpital n’avait donc pas à formuler de proposition à l’intéressé, qui ne peut pas être regardé comme ayant été involontairement privé d’emploi au sens de la convention d’assurance-chômage.
CAA Nantes n° 17NT03441 M. F du 4 octobre 2019.
Pierre-Yves Blanchard le 20 octobre 2020 - n°1693 de La Lettre de l'Employeur Territorial
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